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Le retour de la résidence alternée : comment fixer la résidence des enfants ?
- Publié le 27 janvier 2018
La séparation du “couple amoureux”, marié ou non, laisse subsister un autre couple, contraint d’entretenir des liens, à tout le moins jusqu’à la majorité de l’enfant : le “couple parental” survit aussi longtemps que survit l’autorité parentale. De fait, sauf retrait exceptionnel de l’autorité parentale de l’un des parents, l’article 373-2 du Code Civil fait injonction à chacun des père et mère « de maintenir des relations personnelles avec l’enfant et de respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent ».
Au-delà des liens affectifs, la question se pose de la relation quotidienne et, au premier chef, la question du lieu de fixation de la résidence du ou des enfants. Les chiffres circulent. Selon une étude du ministère de la Justice portant sur l’année 2013, dans 71 % des cas, la résidence serait fixée au domicile de la mère, ce que d’aucun dénoncent comme étant une négation des droits du père. Pour autant, selon cette même étude, dans près de 90 % des cas, la résidence des enfants est fixée avec l’accord du père, soit qu’il soit question d’une convention homologuée portant sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, soit que la résidence n’ait pas donné lieu à débat entre les parents. Comme ce fut encore le cas au mois d’octobre 2017, la résidence alternée revient régulièrement sur le devant de la scène. Légalement consacrée par la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002, il serait question, désormais, d’en faire le principe de fixation de la résidence de l’enfant, à charge de justifier de motifs particuliers pour exclure un tel mode de “garde”, préalable pour en revenir aux solutions qui, en l’état, prévalent en pratique : la fixation de la résidence au domicile de l’un des parents, sous réserve d’organiser un droit de visite et d’hébergement.
Là n’est pourtant pas l’enjeu. L’enjeu primordial, le principe cardinal qui doit guider aussi bien les parents, que le Juge chargé d’homologuer l’éventuel accord des parents ou de trancher le conflit persistant, tient à l’intérêt supérieur de l’enfant. Consacré par la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, signée à New York le 20 novembre 1989, l’intérêt supérieur de l’enfant est visé par l’article 371-1 du Code Civil, ainsi que dans nombre des articles afférents à l’autorité parentale et à ses modalités d’exercice.
De là, il apparaît difficile de fixer des principes figés, qui ne soient pas pondérés par l’âge des enfants, par la distance pouvant exister entre le domicile de chacun des parents ou, encore, par le degré d’éventuelle mésentente entre les parents, pour autant que le conflit ne soit pas maintenu artificiellement à la seule fin de tenir en échec toute possibilité de mise en place d’une résidence alternée. La pratique ne suit pas toujours la théorie : autant que ce faire se peut, les enfants ne peuvent être l’enjeu de la séparation, qui du père qui se découvre un soudain intérêt pour les enfants, qui de la mère qui n’entend pas souffrir que le père s’immisce dans l’éducation des enfants (cliché, quand tu nous tiens !). Les mesures existent d’ores et déjà en présence d’un ex violent : lorsqu’il y a lieu, du fait de la violence exercée au sein du couple (mais pas seulement), de douter des capacités éducatives de l’un des parents, un droit de visite seul pourra être octroyé, et prévu au sein d’un “espace de rencontre” (article 373-2-9 alinéa 3 du Code Civil) ; d’une manière générale, le Juge aux Affaires Familiales peut tenir compte des pressions et/ ou violences exercées au sein du couple parental (lesquelles ne sont pas nécessairement synonymes de pressions et/ ou violences exercées à l’encontre des enfants) (article 373-2-11).
L’histoire du “couple amoureux” est insuffisante à exclure, par principe, la garde alternée ; tout comme il peut être curieux de vouloir imposer, à marche forcée, un mode de garde qui, même d’un commun accord, n’est pas privilégié par les principaux intéressés. C’est une chose que d’admettre que puisse légalement coexister différents modèles familiaux, c’en est une autre que de vouloir ‘transformer’ la société contre elle-même.
L’intérêt de l’enfant constitue donc le maître mot. Et parce que cet intérêt est évolutif, rien n’est jamais figé. Même lorsque les modalités d’exercice de l’autorité parentale auront été négociées et fixées par une convention homologuée par un Juge aux Affaires Familiales, les modalités d’exercice de l’autorité parentale pourront être modifiées à tout moment (article 373-2-13), sous réserve, en pratique, que l’on puisse justifier d’une évolution des conditions ayant guidé la précédente décision, ou le précédent accord.
Il ne peut être question de sacrifier coûte que coûte à l’impératif d’un accord, le cas échéant au détriment de l’intérêt de l’enfant.
Quel que soit l’accord auquel pourront aboutir les parents, quelques principes pratiques s’imposent, purement subjectifs :
La séparation est source d’inévitables tensions. La loi encourage la recherche d’un accord, placé sous le sceau de l’intérêt supérieur de l’enfant, et offre plusieurs solutions relativement souples. La “garde” des enfants reste parfois l’enjeu majeur de la séparation. Pour autant, vouloir inscrire à marche forcée la résidence alternée dans la pratique apparaît assez peu réaliste : la résidence alternée exige un cadre aussi apaisé et stable que possible. Nous ne croyons pas qu’il revient aux enfants, placés d’autorité au cœur d’une résidence alternée, de rappeler leurs parents à leurs obligations éducatives.
Jérémie BLOND pour Mutual Justice
Au-delà des liens affectifs, la question se pose de la relation quotidienne et, au premier chef, la question du lieu de fixation de la résidence du ou des enfants. Les chiffres circulent. Selon une étude du ministère de la Justice portant sur l’année 2013, dans 71 % des cas, la résidence serait fixée au domicile de la mère, ce que d’aucun dénoncent comme étant une négation des droits du père. Pour autant, selon cette même étude, dans près de 90 % des cas, la résidence des enfants est fixée avec l’accord du père, soit qu’il soit question d’une convention homologuée portant sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, soit que la résidence n’ait pas donné lieu à débat entre les parents. Comme ce fut encore le cas au mois d’octobre 2017, la résidence alternée revient régulièrement sur le devant de la scène. Légalement consacrée par la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002, il serait question, désormais, d’en faire le principe de fixation de la résidence de l’enfant, à charge de justifier de motifs particuliers pour exclure un tel mode de “garde”, préalable pour en revenir aux solutions qui, en l’état, prévalent en pratique : la fixation de la résidence au domicile de l’un des parents, sous réserve d’organiser un droit de visite et d’hébergement.
Un seul guide : l’intérêt supérieur de l’enfant
Si, schématiquement, les associations de défense des intérêts des pères en détresse (il y en a, évidemment) approuvent l’initiative, certaines associations féministes ont dénoncé un recul du droit des femmes, la résidence alternée étant vécue comme un moyen de maintenir le lien entre un ex violent et une ex sous emprise.Là n’est pourtant pas l’enjeu. L’enjeu primordial, le principe cardinal qui doit guider aussi bien les parents, que le Juge chargé d’homologuer l’éventuel accord des parents ou de trancher le conflit persistant, tient à l’intérêt supérieur de l’enfant. Consacré par la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, signée à New York le 20 novembre 1989, l’intérêt supérieur de l’enfant est visé par l’article 371-1 du Code Civil, ainsi que dans nombre des articles afférents à l’autorité parentale et à ses modalités d’exercice.
De là, il apparaît difficile de fixer des principes figés, qui ne soient pas pondérés par l’âge des enfants, par la distance pouvant exister entre le domicile de chacun des parents ou, encore, par le degré d’éventuelle mésentente entre les parents, pour autant que le conflit ne soit pas maintenu artificiellement à la seule fin de tenir en échec toute possibilité de mise en place d’une résidence alternée. La pratique ne suit pas toujours la théorie : autant que ce faire se peut, les enfants ne peuvent être l’enjeu de la séparation, qui du père qui se découvre un soudain intérêt pour les enfants, qui de la mère qui n’entend pas souffrir que le père s’immisce dans l’éducation des enfants (cliché, quand tu nous tiens !). Les mesures existent d’ores et déjà en présence d’un ex violent : lorsqu’il y a lieu, du fait de la violence exercée au sein du couple (mais pas seulement), de douter des capacités éducatives de l’un des parents, un droit de visite seul pourra être octroyé, et prévu au sein d’un “espace de rencontre” (article 373-2-9 alinéa 3 du Code Civil) ; d’une manière générale, le Juge aux Affaires Familiales peut tenir compte des pressions et/ ou violences exercées au sein du couple parental (lesquelles ne sont pas nécessairement synonymes de pressions et/ ou violences exercées à l’encontre des enfants) (article 373-2-11).
L’histoire du “couple amoureux” est insuffisante à exclure, par principe, la garde alternée ; tout comme il peut être curieux de vouloir imposer, à marche forcée, un mode de garde qui, même d’un commun accord, n’est pas privilégié par les principaux intéressés. C’est une chose que d’admettre que puisse légalement coexister différents modèles familiaux, c’en est une autre que de vouloir ‘transformer’ la société contre elle-même.
L’intérêt de l’enfant constitue donc le maître mot. Et parce que cet intérêt est évolutif, rien n’est jamais figé. Même lorsque les modalités d’exercice de l’autorité parentale auront été négociées et fixées par une convention homologuée par un Juge aux Affaires Familiales, les modalités d’exercice de l’autorité parentale pourront être modifiées à tout moment (article 373-2-13), sous réserve, en pratique, que l’on puisse justifier d’une évolution des conditions ayant guidé la précédente décision, ou le précédent accord.
Accord ou décision judiciaire ?
Parce que le “couple parental” maintient des liens contraints, que le “couple amoureux” s’efforce de rompre, ce qui peut générer d’inévitables tensions, la loi encourage autant que ce faire se peut l’accord entre les parents :- Les modalités d’exercice de l’autorité parentale peuvent ainsi être fixées par convention homologuée par le Juge aux Affaires Familiales (article 373-2-7),
- En cas de désaccord entre les parents, l’article 373-2-10 du Code Civil fait injonction au Juge de « s’efforcer à concilier les parties », soit en proposant aux parents de rencontrer un médiateur, soit en leur faisant injonction de rencontrer un médiateur familial, sauf situation de violences à l’encontre de l’autre parent ou de l’enfant,
- Lorsque le désaccord subsiste, le Juge est invité à trancher le différend au regard, notamment mais pas seulement, de la « pratique précédemment suivie » ou des « accords antérieurement conclus » (article 373-2-11).
Il ne peut être question de sacrifier coûte que coûte à l’impératif d’un accord, le cas échéant au détriment de l’intérêt de l’enfant.
Privilégier l’accord. Mais quel accord ?
Sous la seule sanction de l’intérêt de l’enfant, les parents sont relativement libres dans la fixation des modalités d’exercice de l’autorité parentale :- La “garde classique” conduit à fixer la résidence de l’enfant au domicile de l’un des parents, lorsque l’autre parent pourra exercer un droit de visite et d’hébergement un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires.
Rien n’interdit de moduler le droit de visite et d’hébergement. Par exemple, il pourra être prévu que le droit de visite et d’hébergement s’exerce, aussi, le mardi soir et le mercredi. En cas de grande distance entre le domicile respectif des parents, la fréquence d’exercice du droit de visite et d’hébergement pourra être réduite en période scolaire (une fois par mois au lieu d’une fois tous les 15 jours), mais augmentée pendant chaque période de vacances scolaires.
- La résidence alternée : en règle générale, les parents conviennent d’une alternance chaque fin de semaine (le vendredi ou le dimanche), mais rien n’interdit de fixer un autre jour ; voire de scinder chaque semaine.
Quel que soit l’accord auquel pourront aboutir les parents, quelques principes pratiques s’imposent, purement subjectifs :
- La convention doit impérativement fixer un cadre clair : il ne peut être question de rédiger une convention prévoyant que « les parents devront se mettre d’accord » sur tel ou tel sujet.
La vie n’est pas une convention. Le principe, en la matière, est que les modalités d’exercice de l’autorité parentale sont fixées par la convention « sauf meilleur accord des parties ». Autrement dit, au jour le jour, les parents pourront déroger à la convention.
La convention n’intervient que pour régler les tensions, si elles existent ou, ce qui n’est pas si rare, si elles apparaissent. Le jour où l’un “refait sa vie” peut être générateur de tensions, notamment chez celui des deux parents qui aura eu le sentiment de “subir” la séparation (le plus souvent, l’un des deux est plus demandeur que l’autre). Il faut profiter du jour où les parents auront réussi à s’asseoir autour de la même table pour fixer un cadre praticable “en temps de tempête”. Si le cadre est clair, il peut fournir un modus operandi stable qui apaisera progressivement les tensions.
- La convention est une base, qui peut avoir vocation à durer. Pour autant, elle ne peut être absolument intangible et tout prévoir.
Elle évoquera classiquement, outre la résidence, la pension alimentaire, le partage des frais scolaires et péri-scolaires, la charge des études supérieures, l’attribution des allocations familiales…
Nonobstant toute convention homologuée, et tout ce qu’auraient pu prévoir les parents, il sera toujours possible de soumettre à un Juge les demandes de modification de la convention, sauf à ce que les parents parviennent, d’eux-mêmes, à se mettre d’accord, y compris sans conclure de nouvelle convention.
- Enfin, les parents ne peuvent pas perdre de vue que ce sont eux qui se séparent, et non pas les enfants, et que leur accord devra constamment être passé au crible de l’intérêt supérieur de l’enfant. La convention devra déterminer un cadre stable et s’efforcer (pour ne pas dire s’interdire) de ne pas reporter sur les enfants les inconvénients et la charge de la séparation, notamment du changement de résidence.
Dans toute la mesure du possible, il faut s’efforcer d’éviter que le changement de résidence se matérialise par le « dépôt » des enfants à l’école de lundi matin, qui seront « récupérés » par l’autre parent le lundi soir, doudous et valises accompagnant le cartable. Aux adultes d’assumer leurs responsabilités et de respecter le seul et unique engagement irréversible qu’ils ont pris : celui d’accompagner leurs enfants vers l’âge adulte.
La séparation est source d’inévitables tensions. La loi encourage la recherche d’un accord, placé sous le sceau de l’intérêt supérieur de l’enfant, et offre plusieurs solutions relativement souples. La “garde” des enfants reste parfois l’enjeu majeur de la séparation. Pour autant, vouloir inscrire à marche forcée la résidence alternée dans la pratique apparaît assez peu réaliste : la résidence alternée exige un cadre aussi apaisé et stable que possible. Nous ne croyons pas qu’il revient aux enfants, placés d’autorité au cœur d’une résidence alternée, de rappeler leurs parents à leurs obligations éducatives.
Jérémie BLOND pour Mutual Justice