Une clause de conciliation préalable interdit de saisir le juge. Il faut avoir le meilleur avocat
La médiation a la cote. Dans un monde déconnecté du réel, chacun devrait parvenir à une solution amiable grâce au concours de la médiation ou autre procédure de conciliation. Les pouvoirs publics y trouvent leur compte : les différends qui trouvent leur solution en médiation sont autant de contentieux que l’institution judiciaire, sous-dotée et débordée, n’aura pas à trancher. 
 
Pour autant, la médiation ne peut résoudre un différend que par la voie d’un accord et tout accord exige que l’on entende, soi-même, aboutir à une solution raisonnablement négociée, mais également que notre vis-à-vis entende tout autant parvenir à une issue négociée. Pour conclure un accord, il faut être deux.  Eviter un contentieux judiciaire part d’une bonne intention. C’est l’objet d’une clause de conciliation préalable : en cas de différend, les parties à un contrat s’engagent l’une et l’autre à recourir à une procédure de conciliation ou de médiation préalable pour tenter de trouver une issue amiable à leur différend. Mais que faire lorsqu’on a la certitude que le co-contractant n’entend pas mener loyalement la conciliation ? Pis, que faire lorsque, un différend né, le co-contractant excipe (voir menace) de la durée des procédures judiciaires pour tenter d’imposer sa volonté ? Respecter une clause de conciliation préalable, n’est-ce pas ajouter du temps au temps, et retarder davantage l’issue d’un différend dont on sait qu’il ne pourra aboutir par la voie amiable ? 
 
Aucun contractant ne peut se lier à la légère par une clause de conciliation préalable. Il s’agit d’une clause particulièrement efficace, qui fait obstacle à toute possibilité de saisir une juridiction étatique, alors pourtant qu’il sera toujours possible de recourir à la médiation, même en l’absence de clause. Il sera toujours possible de tenter de négocier une issue amiable

La validité des clauses de conciliation préalable, nonobstant restriction de l’accès au juge 

Quasi-jumelles, les clauses de conciliation préalable et de médiation préalable se distinguent pourtant, à la marge, sans incidence sur leur régime juridique : 
 
  • la clause de conciliation préalable exigera des parties qu’elles tentent, par elles-mêmes, de concilier leurs points de vue préalablement à toute saisine d’une juridiction,
 
  • lorsque la clause de médiation préalable exigera des parties qu’elles confient leur différend à un tiers, chargé de tenter de concilier les points de vue en présence, préalablement à toute saisine d’une juridiction.  
Sur le terrain contractuel, les clauses de conciliation préalable sont par principe valables. Le principe doit cependant être tempéré dans la mesure où ces clauses encourent un risque de requalification en clause abusive dans les contrats conclus avec un consommateur (art. R 212-2 du code de la consommation). Une telle clause pourrait encore être réputée non écrite s’il fallait y déceler un déséquilibre significatif, notamment si la clause venait à être imposée à un co-contractant et à imposer le recours à la médiation à l’une seulement des deux parties au contrat (art. 1171 du code civil et L 442-6 du code de commerce)
 
Emportant restriction à l’accès au juge, qui se trouve conditionné au respect d’une démarche préalable de conciliation, une telle clause est d’interprétation stricte. La clause qui prévoit ainsi que tout différend né à l’occasion de l’exécutiond’un contrat exigera le recours à une tentative de conciliation préalable ne sera pas opposable à une action introduite aux fins d’annulationdu contrat. 
 
Précisons que, afin de ne pas pénaliser les parties qui seraient contraintes de recourir à une conciliation préalable, la prescription est suspendue à compter du jour où elles recourent à cette procédure. En cas d’échec, et quand bien même le temps restant de prescription aurait été inférieur, la prescription recommence à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à 6 mois (art. 2238 du code civil). De fait, la clause de conciliation préalable exige de recourir à une tentative de conciliation, sans pouvoir contraindre les parties à concilier effectivement.  
 
Mais le danger n’est pas là. 

Un obstacle absolu, non régularisable, à la saisine du juge avant mise en œuvre de la conciliation 

Le danger de la clause de conciliation préalable tient à son régime procédural. 
 
Hormis lorsqu’il s’agit de saisir les juridictions prud’homales, en ce que la procédure comprend elle-même une tentative de conciliation devant le bureau de conciliation et d’orientation (Soc. 5 décembre 2012, Bull. Civ. V, n° 326), ou lorsqu’il s’agit de saisir le juge des référés, en cas d’urgence démontrée uniquement (Civ. 3ième, 28 mars 2007, Bull. Civ. III, n° 43), la clause de conciliation préalable emporte interdiction absolue de saisir une juridiction avant d’avoir mis en œuvre la procédure de conciliation ou de médiation. 
 
La clause a pour effet d’édicter une irrecevabilité, d’origine contractuelle, et elle en épouse le régime. 
 
La recevabilité d’une action en justice s’apprécie en principe au jour de la saisine d’une juridiction. Elle n’est pas susceptible d’être couverte ultérieurement. Ainsi, il n’est pas possible de couvrir l’irrecevabilité d’une action en justice, faute d’avoir mis en œuvre la conciliation préalable prévue par une clause du contrat en mettant en œuvre, en cours de procédure, une tentative de conciliation (Ch. Mixte, 12 décembre 2014, Bull. Civ. Ch. Mixte, n° 3). L’action sera jugée définitivement irrecevable, sauf à recommencer de zéro la procédure qui avait été engagée, pour autant que l’action n’ait pas, entre temps, été atteinte par la prescription. 
 
L’arme est d’autant plus redoutable que, comme toute irrecevabilité (art. 123 du code de procédure civile)elle peut être soulevée en tout état de cause, à tout stade de la procédure (Ch. Mixte, 14 février 2003, Bull. Civ. Ch. Mixte, n° 1 ; Civ. 2ième, 9 novembre 2006, pourvoi n° 05-19.443 ; Civ. 1ère, 8 avril 2009, Bull. Civ. I, n° 78 ; Com. 15 juin 2010, pourvoi n° 09-16.323 ; Civ. 1ère, 1eroctobre 2014, Bull. Civ. I, n° 157). Sauf à tenter de faire valoir, en présence d’une irrecevabilité soulevée extrêmement tardivement par un plaideur, en fonction, uniquement, de ce qu’aura été l’attitude procédurale de celui-ci, le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui. Il reste que ce principe est d’origine jurisprudentielle et que son régime se construit à mesure des affaires soumises à la Cour de cassation. Son rayonnement, dans les interstices des textes, demeure incertain. A notre connaissance, il n’a pas encore permis d’évincer l’irrecevabilité d’une action en justice pour défaut de mise en œuvre d’une clause de conciliation préalable. A l’inverse, l’article 123 du code de procédure civile sanctionne d’ores et déjà le plaideur qui soulève tardivement une irrecevabilité ; mais uniquement par une condamnation au paiement de dommages-intérêts. 
 
L’irrecevabilité vaut en demande. Elle vaut aussi pour les demandes reconventionnelles dès lors que la partie en défense invoque un contrat différent de celui qui sert de fondement à l’action du demandeur, quand bien même s’agirait-il d’un contrat conclu entre les mêmes parties (Com. 30 mai 2018, pourvoi n° 16-26.403, à paraître au Bulletin)

Une sanction redoutable pour une définition de plus en plus souple 

La prudence s’impose d’autant plus que, progressivement, la Cour de cassation allège les conditions de reconnaissance des clauses véritables de conciliation préalable. 
 
Initialement, il n’y avait clause de conciliation préalable que lorsque le contrat avait organisé les conditions de mise en œuvre de la conciliation, lorsque les parties avaient clairement stipulé le caractère obligatoire de la tentative préalable de conciliation, voire avaient expressément prévu que la conciliation devrait être tentée à peine d’irrecevabilité. 
 
S’alignant sur la 3ième chambre civile (Civ. 3ième, 19 mai 2016, pourvoi n° 15-14.464, à paraître au Bulletin ; Civ. 3ième, 16 novembre 2017, pourvoi n° 16-24.642, à paraître au Bulletin), la chambre commerciale de la Cour de cassation a également abandonné l’exigence de précision de la clause, qui n’a donc plus à préciser les conditions de mise en œuvre de la conciliation (Com. 30 mai 2018, pourvoi n° 16-26.403, à paraître au Bulletin). Les parties n’ont plus, non plus, à stipuler expressément le caractère obligatoire de la conciliation, ni à ériger expressément la conciliation en cause d’irrecevabilité de l’action en justice (même arrêt)
 
La tendance favorise clairement la reconnaissance des clauses de conciliation préalable, lesquelles se voient dotées d’une efficacité maximale. L’insertion d’une telle clause dans un contrat, ou la signature d’un contrat comportant une telle clause, doit donc être mûrement réfléchie. Une clause de conciliation préalable ne doit être acceptée qu’en connaissance de cause, avec parcimonie. 

Nul besoin d’une clause de conciliation préalable pour négocier

Car en réalité, rien n’exige qu’une clause de conciliation préalable soit prévue au contrat pour mettre en œuvre une procédure de conciliation ou de médiation. S’agissant, par exemple, de la prescription, l’article 2238 du code civil attache un effet suspensif à la procédure de conciliation sans que celle-ci ait à être expressément prévue par une clause du contrat. Contrat ou non, la procédure de conciliation aura le même effet suspensif de la prescription
 
Certes, les tentatives de règlement amiable des différents sont favorisées. Quiconque assigne en justice doit justifier des tentatives amiables de résolution du différend qui l’oppose à son adversaire (art. 56 du code de procédure civile ; art. 58 lorsque le tribunal est saisi sur requête). Certes, la mention de ces tentatives amiables est prescrite à peine de nullité de l’assignation. 
 
Pour autant, la tentative amiable n’est pas décrite par le code de procédure civile : une mise en demeure emportant invitation à entrer en pourparlers aux fins de tentative de résolution amiable du différend peut suffire. S’agissant d’une cause de nullité, elle ne peut être soulevée qu’avant toute défense au fond, à défaut de quoi la nullité sera “purgée”. Enfin, en l’absence de tentative de résolution amiable, le juge a la possibilité d’ordonner une mesure de conciliation ou de médiation, laquelle va se dérouler tout en maintenant la procédure initiée devant lui (article 127 du code de procédure civile).  
 
En l’absence de clause, la conciliation et la médiation sont des outils à la disposition du contractant. Elles font partie de la palette des solutions offertes pour qu’un litige trouve sa solution. Si, le litige né, les parties font néanmoins choix de la conciliation, on peut penser que, y participant en toute connaissance de cause, sur la base du volontariat, elles seront d’autant plus enclines à y participer loyalement. Il ne sera pas question de passer une étape obligatoire, qu’importe son issue. Il sera question de rechercher une solution concrète, susceptible d’éviter un contentieux.  
 
Le temps est un élément de négociation, d’autant plus précieux que les juridictions sont surchargées. Il ne sert à rien de se laisser enfermer par une clause de conciliation préalable qui fournira au contractant déloyal un moyen de pression supplémentaire : au temps de la procédure s’ajoutera le temps, et le coût, de la conciliation ou de la médiation. Et que faire en attendant ? Prendre le risque d’une faillite ? Mettre à mal sa trésorerie faute de paiement par le co-contractant ? 
 
Lorsque l’on sent que son vis-à-vis contractuel n’entend pas aboutir, quelles que soient ses motivations, la clause de conciliation préalable ne fait qu’éloigner le seul avis qui compte : celui du juge impartial
 
On ne négocie (concilie) pas avec un pistolet sur la tempe, fût-ce celui du maître des horloges. 
 
Jérémie BLOND pour Mutual Justice 
 
 

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